Deux expositions Pentti Sammallahti

Le photographe Pentti Sammallahti est à l’honneur cet automne avec un livre aux Éditions Xavier Barral et deux magnifiques expositions. La première se tient à la Maison Doisneau, à Gentilly (94), la seconde, à la galerie Camera Obscura à Paris (XIV^e). Une double occasion d'aller admirer de près les images tout en poésie de ce grand photographe finlandais. Amateurs d’ambiances hivernales, de paysages nordiques et de noir et blanc ciselé, courez voir les photos de ce maître ou plongez-vous dans l'un de ses livres réalisés avec autant de raffinement et de savoir-faire que ses somptueux tirages. Vous découvrirez un « travail d'orfèvre » pour reprendre les mots de Didier Brousse qui dirige la galerie Camera Obscura. À l'heure du « tout numérique », le noir et blanc, le traitement des lumières, le piqué et la qualité de ces images laissent rêveur...

Solovki, mer Blanche, Russie, 1992  © Pentti Sammallahti

Du 19 octobre 2018 au 13 janvier 2019, la Maison de la photographie Robert Doisneau présente, en collaboration avec la galerie Camera Obscura et l’Institut finlandais, une exposition du photographe Pentti Sammallahti. Sur deux niveaux, ce sont près de soixante-dix images, en noir et blanc et dans différents formats (petits tirages jusqu'aux panoramiques) qui sont exposées. Ces photos sont représentatives du travail du photographe depuis le début des années 1970 jusqu'à nos jours : de très nombreux pays visités, avant tout l'Europe septentrionale mais aussi l'Angleterre ou le Japon en passant par la France, le Maroc ou l'Inde, des scènes prises sur le vif et bien-sûr des chiens et des oiseaux qui viennent régulièrement « signer » bon nombre de photos. La force de Pentti Sammallahti, c'est sa capacité à faire d'un animal ou d'une silhouette, n’occupant qu'une infime partie du cadre, sinon le sujet principal, du moins le centre de gravité de l'image, le point de convergence du regard.

Les panoramiques de Pentti Sammallahti, plus encore que ses formats « standards », nous racontent de petites histoires sur un mode quasi-cinématographique. Dans des compositions extrêmement maîtrisées, le photographe exploite parfaitement tout l’espace à sa disposition afin d'élaborer ses poèmes graphiques. D’une extrémité à l’autre du cadre, l’action se déroule, souvent par petites touches, et si certaines images semblent montrer un monde et un temps arrêtés, figés par le froid polaire, d’autres au contraire sont des instantanés de sujets en mouvement. Comme celle de ce chien fou, qu’on imagine la babine écumante, lancé en pleine course depuis le coté droit de l'image en direction d'un oiseau, placide, positionné à l’autre extrémité de la photo. À quel moment s’envolera-t-il pour échapper aux crocs du fauve ?

Parler des photos de Pentti Sammallahti, c'est aussi évoquer une forme d'ambiance sonore. L'atmosphère ouatée de ses paysages enneigés suggère de prime abord le silence qui règne en maître sur la plupart de ses images. Pourtant, à y regarder - ou y écouter - de plus près, certaines d'entre elles laissent s'échapper de ce calme apparent quelques aspérités sonores : le caquetage des canards, les bêlements d'un troupeau de moutons ou le moteur en surrégime d'une voiture embourbée. Dans la photo ci-dessus, comment ne pas entendre immédiatement les aboiements jaloux du chien à l'égard de son congénère juché sur une moto-neige dans une attitude de dédain simplement suggérée par sa posture altière. Cause toujours, tu m'intéresses, j'y suis, j'y reste...

Et puis évidemment le talent de Pentti Sammallahti s'exprime par l'humour. Dans certaines scènes, qui pourraient paraître d'une grande banalité, le photographe a su capter l'instant, dans la plus pure tradition « Cartier-Bressonienne », d'où émerge une situation cocasse toujours associée à une rigueur graphique de premier ordre.

À l'occasion de ces deux expositions, l'Institut finlandais consacre son « portrait du mois » à Pentti Sammallahti avec une interview du photographe.

© Pentti Sammallahti

La deuxième exposition est présentée du 26 octobre au 29 décembre 2018 à la galerie Camera Obscura qui représente le photographe depuis le début des années 2000. Didier Brousse, son directeur, nous explique la genèse de cette exposition, la quatrième que la galerie consacre au photographe : « Michaël Houlette, directeur de la Maison Doisneau nous a contacté début 2018 car il envisageait une exposition Pentti Sammallahti. Peu de temps après, c'est l'éditeur Xavier Barral qui est passé à la galerie avec le livre sur les oiseaux de Bernard Plossu et l'idée de lancer une collection sur ce thème. En voyant les images de Pentti, il a immédiatement souhaité faire un livre. Nous avons alors décidé de réaliser également une exposition à la galerie, moins rétrospective que celle de la Maison Doisneau et plus centrée sur les oiseaux et les animaux. Les choses se sont donc combinées de cette manière. » Le titre de l'exposition, « L'oiseleur », décrit bien la manière dont Didier Brousse perçoit le travail du photographe : « Je trouve ce titre assez joli car, pour moi, Pentti attrape des images, un peu à la manière d'un oiseleur. Ses photos ne sont pas fabriquées, montées, ce sont des lieux, des moments, assez parfaits. Et même si dans l'exposition il n'y a pas que des images d'oiseaux, ce terme renvoie plutôt à la manière, un peu magique, dont il capture ses images. »

Moscou, Russie, 1980  © Pentti Sammallahti

Quelques livres récents

« Des oiseaux » est une nouvelle collection des Éditions  Xavier Barral. Elle démarre  avec la sortie de deux ouvrages : l'un consacré à Pentti Sammallahti, conjointement aux deux expositions, l'autre à Bernard Plossu.

Ici au loin, édité en France chez Actes Sud en 2012, présente quarante ans de photographies de Pentti Sammallahti. Enrichi de poèmes de Pekka Sammallahti, frère de Pentti, ce livre est un petit bijou qui témoigne de l'immense savoir-faire du photographe tant en matière de prise de vue que de tirage ou d'édition. À noter qu'il est également disponible chez d'autres éditeurs en allemand, anglais, espagnol, italien et finnois.

Signalons enfin le Photo Poche n° 103 consacré à Pentti Sammallahti sorti en 2005 également chez Actes Sud. Pour une somme modique, ce petit livre, introduit par un texte de Gérard Macé, donne une bonne idée de l'univers du photographe avec évidemment une qualité de reproduction des images qui ne peut égaler celle des deux précédents ouvrages cités.